Lors du Conseil européen du 10 avril 2019, les États membres de l’Union Européenne ont repoussé au 31 octobre 2019 la date de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le Royaume-Uni a jusqu’à cette date au plus tard pour ratifier l’accord de retrait négocié avec l’Union Européenne ou il sortira sans accord de retrait.
Sortie avec ou sans accord, le Brexit aura des répercussions sur la fiscalité des particuliers. Attention, cela pourrait avoir un impact sur certaines de vos décisions qui ont un lien avec le Royaume-Uni, y compris en fiscalité. Les dons aux organismes britanniques, les revenus du patrimoine et les plus-values immobilières (cession d’immeubles, maisons, appartements), les titres éligibles au PEA, l’exit tax et d’autres points fiscaux inquiétants. Heureusement, le législateur français a anticipé certains points qui devraient permettre de limiter les cas de double imposition.
1. Dons à des organismes sans but lucratif britanniques et réduction d’impôt pour mécénat/ réduction IFI
Les versements que les particuliers effectuent au profit des œuvres ou organismes d’intérêt général ou reconnus d’utilité publique ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant retenu dans la limite de 20 % du revenu imposable. Par ailleurs, les donations effectuées au profit des organismes d’aide aux personnes en difficulté ouvrent droit à l’application d’un taux majoré de 75 % et la prise en compte des versements dans la limite d’un plafond spécifique. La réduction d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est égale à 75% du montant du don.
Les seuls organismes étrangers éligibles à ces deux réductions d’impôts sont ceux dont le siège est situé dans un État membre de l’Union européenne (UE) ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales [1].
En l’absence de ratification de l’accord général de sortie, les dons et versements versés au profit des organismes sans but lucratif dont le siège est situé au Royaume-Uni n’ouvriront plus droit à la réduction d’impôt au titre du mécénat ou à la réduction d’IFI.
2. Les impacts du Brexit sur les revenus du patrimoine et sur les plus-values immobilières
2.1 Conséquences pour les résidents fiscaux britanniques
Il est prévu que les personnes relevant d’un régime de sécurité sociale au sein de l’Espace Economique Européen (EEE) ou de la Suisse sont exonérées de Contribution Sociale Généralisée (CSG) et de Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) sur leurs revenus du patrimoine. Ces personnes sont redevables du prélèvement de solidarité de l’article 235 ter du CGI au taux de 7,5 %. Le Royaume-Uni n’étant pas encore considéré comme un Etat tiers à l’EEE, un résident fiscal britannique démontrant ne pas être affilié à un régime de sécurité sociale française obligatoire mais qui relève d’un régime social soumis aux dispositions du règlement européen (CE) n°883/2004 est exonéré de CSG et de CRDS.
En l’absence de ratification de l’accord général de sortie, les résidents britanniques ne pourront plus bénéficier de l’exonération dans la mesure où la législation sociale britannique ne serait plus soumise ni aux dispositions du règlement européen, ni aux dispositions résultant de la loi française. Par conséquent, les résidents fiscaux britanniques seront soumis à l’ensemble des prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %.
Par ailleurs, les revenus immobiliers et les plus-values immobilières de source française perçus par les résidents britanniques sont par principe soumis aux prélèvements sociaux en application du droit interne. En vertu de la Convention fiscale internationale conclue entre la France et le Royaume-Uni du 19 juin 2008, les résidents britanniques devraient bénéficier d’un crédit d’impôt qui s’imputera sur l’impôt britannique calculé sur les mêmes revenus.
2.2 Conséquences pour les résidents fiscaux français
Les résidents français percevant des revenus de source britannique sont soumis, sur leurs revenus du patrimoine, à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux en France sous réserve des stipulations de la Convention fiscale internationale du 19 juin 2008. La convention fiscale prévoit que les résidents français bénéficieront d’un crédit d’impôt égal à l’impôt britannique pour les plus-values immobilières ou d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français pour les revenus fonciers [2]. Les prélèvements sociaux étant couverts par la convention fiscale, l’impôt payé au Royaume-Uni pourra s’imputer sur les prélèvements sociaux.
Dans l’hypothèse où la plus-value immobilière de source britannique réalisée par un résident français serait exonérée, aucun crédit d’impôt ne serait accordé en France en application de cette convention fiscale. Le contribuable devenu résident français qui cède sa résidence principale au Royaume-Uni peut bénéficier de l’exonération de la plus-value immobilière réalisée lors de la cession de sa résidence principale [3]. Le bien doit toutefois avoir constitué la résidence principale occupée par le cédant jusqu’à sa mise en vente, qu’il soit libre de toute occupation jusqu’à la cession et que la vente intervienne dans un délai normal [4].
3. Les conséquences du retrait sur les titres éligibles au PEA
Les titres éligibles au plan d’épargne en actions (PEA) et au PEA pour les petites et moyennes entreprises (PEA-PME) sont les seuls titres émis par des sociétés ayant leur siège dans un État membre de l’UE (UE) ou dans un autre État partie à l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention fiscale qui comporte une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ou une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales [5].
Dès la sortie du Royaume-Uni de l’UE et l’EEE, les titres émis par des sociétés ayant leur siège social au Royaume-Uni ne respecteront plus cette condition d’éligibilité aux PEA et PEA-PME. Le manquement à l’une des conditions prévues pour l’application de ce régime entraine la clôture du PEA [6]. Pour éviter la clôture du plan, la doctrine administrative prévoit qu’à compter de la survenance de l’événement rendant les titres inéligibles, en l’occurrence le retrait du Royaume Uni de l’UE et de l’EEE, le contribuable bénéficie d’une procédure de régularisation d’un délai maximum de deux mois.
L’Ordonnance du 6 février 2019 n° 2019-75 relative aux mesures de préparation au Brexit en matière de produits financiers est venue atténuer les conséquences d’un retrait sans accord sur l’éligibilité des titres britanniques au PEA .
- Les titres britanniques régulièrement souscrits ou acquis avant la date d’un Brexit sans accord seront éligibles au PEA ou au PEA-PME pendant 15 mois ;
- Les titres d’organismes de placement collectif seront éligibles au PEA ou au PEA-PME pendant encore 21 mois après la date d’un Brexit sans accord si leur société de gestion décide de respecter les ratios d’exposition à des entreprises de l’UE (75 % de l’actif) et conserve ainsi l’éligibilité au PEA ou au PEA-PME à l’issue de cette période, si leur société de gestion ne respecte pas les ratios les titres resteront éligibles pendant 15 mois ;
- Les parts ou actions d’OPCVM britanniques, régulièrement souscrites ou acquises avant un Brexit sans accord, resteront éligibles au PEA pendant 15 mois.
4. Exit Tax et transfert du domicile vers le Royaume-Uni
Le dispositif dit d’Exit Tax prévoit que le transfert de domicile fiscal hors de France entraîne l’imposition immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, valeurs, titres ou droits, des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et des plus-values en report d’imposition .
Un sursis de paiement est accordé de plein droit lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un État membre de l’Union européenne (UE) ou, depuis la Loi de finances pour 2019, vers tout autre État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement. Dans les autres situations, le sursis de paiement est accordé sur demande expresse du contribuable et moyennant la constitution de garanties.
Dans la mesure où le Royaume-Uni a conclu une convention d’assistance administrative et mutuelle en matière de recouvrement et donc remplirait cette condition à l’issue de sa sortie de l’UE, le sursis de paiement automatique pourra s’appliquer.
Pour plus d’informations sur les impacts du Brexit, le gouvernement a créé le site internet https://brexit.gouv.fr/sites/brexit/accueil/vous-etes-francais/fiscalite.html.
[1] BOI-PAT-IFI-40-20-10-20180608 08/06/2018 ; BOI-BIC-RICI-20-30-10-10-20190807 n°220, 07/08/2019
[2] Art. 24, paragraphe 3 a i Convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni du 19 juin 2008 en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital
[3] Art. 150 U, II-1° du CGI
[4] BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20181219 n° 190, 19/12/2018
[5] Article L. 221-31 I 4° du Code monétaire et financier
[6] Article 1765 du CGI
[7] Article 167 du CGI
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