Vous souhaitez vendre un bien ? Quel est l’intérêt de faire une transmission démembrée de la nue-propriété avant la cession ? Quel est l’intérêt de constituer un quasi-usfruit avant la cession ?
Le quasi-usufruit et l’usufruit sont tous deux possibles grâce au mécanisme du démembrement de propriété. La pleine propriété d’une bien peut se démembrer en 2 parties :
– L’usufruit : comprenant l’usus (le droit d’user de la chose) et le fructus (le droit d’en percevoir les fruits, d’en récupérer les revenus)
– La nue-propriété : comprenant l’abusus (le droit de disposer du bien, c’est-à-dire de pouvoir l’aliéner, le vendre…)
Il est possible suivant ce mécanisme de transférer un ou plusieurs de ces droits composant le droit de propriété. L’usufruit, le plus commun des droits découlant du démembrement de propriété, est un droit viager conférant au nu-propriétaire l’abusus tout en réservant à l’usufruitier l’usus, ainsi que le fructus.
Le plus souvent, ces mécanismes sont utilisés pour optimiser ses donations ainsi que ses successions, le droit fiscal étant favorable à un tel schéma.
Le quasi-usufruit peut être d’origine légale ou conventionnelle, c’est un droit similaire à l’usufruit, mais dont l’objet est un bien consomptible ou fongible c’est-à-dire le plus souvent l’argent. Ce quasi-usufruit donne au quasi-usufruitier l’entièreté des droits attachés à la propriété. En contrepartie du transfert de l’usus, du fructus ainsi que de l’abusus, le nu-propriétaire aura une créance de restitution en équivalent sur le quasi-usufruitier.
Quels sont les biens pouvant faire l’objet d’un quasi-usufruit ?
Comme vu précédemment, le quasi-usufruit ne peut porter que sur des biens consomptibles ou fongibles. Un bien consomptible est un bien qui se consomme lors de son utilisation, à l’image d’une pomme qui, dès qu’on l’utilise, disparaît. Un bien fongible est un bien interchangeable qu’on peut utiliser ou consommer.
À l’origine, le quasi-usufruit ne pouvait porter, selon la lettre de l’article 587 du Code civil, que sur des biens consomptibles ; ce champ d’application restreint marque la différence entre usufruit et quasi-usufruit. L’existence d’une obligation de restitution en équivalent du quasi-usufruitier emporte que le quasi-usufruit soit possiblement remboursable en équivalent. C’est de ce constat qu’il a été déduit la possibilité de consentir un quasi-usufruit sur un bien fongible qui est par nature remboursable en équivalent.
Il a aussi été accepté par une partie de la doctrine qu’un portefeuille de valeurs mobilières puisse faire l’objet d’un quasi-usufruit.
Cette volonté de repousser encore et encore le champ d’application du quasi-usufruit montre bien que les acteurs du monde juridique ont compris à quel point ce mécanisme pouvait être intéressant tant sur le plan pratique que fiscal.
Quels sont les intérêts à recourir au quasi-usufruit dans le cadre d’une vente ?
Le parent donateur donne la nue-propriété des biens qui vont être cédés (bien immobiliers, titres de société…) en conserve l’usufruit, puis donateur et donataires cèdent les titres de la société en convenant de reporter sur le prix de vente l’usufruit, qui ce faisant se transforme en quasi-usufruit sur la somme d’argent.
L’opération de quasi-usufruit a plusieurs avantages :
– (i) comme toute donation-cession elle permet de purger la plus-value sur la nue-propriété donnée ;
– (ii) tout en permettant aux parents de disposer intégralement du prix de cession ; et
– (iii) au décès du quasi-usufruitier (ou au décès de son conjoint en cas de quasi-usufruit successif) les enfants quasis-nues-propriétaires auront une créance de restitution qui viendra en déduction de la succession.
- D’un point de vue pratique :
Le quasi-usufruit peut permettre au quasi-usufruitier de bénéficier du droit d’aliéner le bien et donc de le céder. Il permet à un parent de se réserver le quasi-usufruit sur un portefeuille de valeurs mobilières ou sur une somme d’argent en donnant la nue-propriété à son enfant tout restant capable d’investir, vendre, donner la chose objet du quasi-usufruit tant qu’il est capable de restituer son équivalent, in fine, à l’enfant nu-propriétaire, le plus souvent à l’ouverture de la succession.
- D’un point de vue fiscal :
La donation démembrée de la nue-propriété permet de réduire l’assiette des droits de donation car donner la nue-propriété et conserver l’usufruit permet de réduire l’assiette des droits de mutation, car les droits de mutation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété en fonction de l’âge du donateur-usufruitier selon le tableau suivant :
AGE de l’usufruitier | VALEUR de l’usufruit | VALEUR de la nue-propriété |
Moins de : | ||
21 ans révolus | 90 % | 10 % |
31 ans révolus | 80 % | 20 % |
41 ans révolus | 70 % | 30 % |
51 ans révolus | 60 % | 40 % |
61 ans révolus | 50 % | 50 % |
71 ans révolus | 40 % | 60 % |
81 ans révolus | 30 % | 70 % |
91 ans révolus | 20 % | 80 % |
Plus de 91 ans révolus | 10 % | 90 % |
Convenir d’une répartition du prix lors de la cession conjointe de l’usufruit et de la nue-propriété portant sur un bien démembré :
Option 1 : Remise du prix de cession à l’usufruitier au titre d’un quasi-usufruit (présence de quasi-usufruit)
- Dans cette situation, le prix de cession des titres démembrés est payé entre les mains de l’usufruitier qui est alors libre d’en disposer comme il l’entend au titre d’un quasi-usufruit, il est également constaté une créance de restitution à la charge de l’usufruitier envers le nu-propriétaire, qui pourra s’imputer sur l’actif successoral de l’usufruitier
- La plus-value : en cas de report de l’usufruit sur le prix de cession (quasi-usufruit), la plus-value est imposable intégralement au nom de l’usufruitier (lui seul captant la totalité du prix de cession), la purged’une plus-value avant cession peut ainsi jouer pleinement d’autant que la durée de détention s’apprécie en la personne de l’usufruitier, redevable de l’impôt.
- Déduction d’une créance de restitution : au dèces de l’usufruitier une créance de restitution pourra être déduite de l’actif successoral de l’usufruitier et venir ainsi diminuer le montant de l’assiette fiscal de lasuccession.
Option 2 : Répartition du prix de vente entre usufruitier et nu-propriétaire (absence de quasi-usufruit)
- Dans cette situation, le Code civil prévoit qu’en cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter l’usufruit sur le prix
- La plus-value : En cas de répartition du prix de vente entre usufruitier et nu-propriétaire, l’opération est susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés (généralement en cas de donation avant cession, seul l’usufruitier est redevable d’une plus-value ; le prix d’acquisition et le prix cession de l’usufruit est calculé en retenant l’âge de l’usufruitier au jour de la cession des titres).
Option 3 : Remploi du prix de vente dans l’acquisition d’un bien démembré (solution à écarter car la plus-value est imposable au nom de l’enfant nue-propriétaire)
- Il est également possible de reporter le prix de vente d’un bien démembré dans l’acquisition d’un autre bien démembré au titre d’une clause de remploi dans l’acte permettant une subrogation réelle des droits démembrés initiaux sur un autre bien qui sera également démembré.
- Plus-value : en cas de report de l’usufruit sur un autre bien (acquis en remploi du prix de cession), la plus-value est imposable intégralement au nom du nu-propriétaire (lui seul ayant vocation à capter la totalité de la plus-value à l’extinction de l’usufruit) par conséquent seule doit être prise en compte la durée de détention de la nue-propriété.
Existe-t-il un risque fiscal en cas de quasi-usufruit (notamment en présence d’une donation précession) ?
L’administration fiscale est tentée de remettre en cause le schéma d’optimisation de donation avant cession en (i) remettant en cause la chronologie des opérations (ii) en considérant que la donation n’est pas irrévocable (iii) et de manière générale au titre de l’abus de droit fiscal.
- Attention à la date de constitution du quasi-usufruit : En cas de volonté de reporter l’usufruit des biens donnés sur le prix de cession, le quasi-usufruit doit impérativement être constitué au jour de la donation, le quasi-usufruit doit naître spontanément de l’usufruit initial (report prévu dans l’acte de donation), et non d’un acte postérieur (convention de quasi-usufruit stipulée après la donation). La jurisprudence considère que constitue un abus de droit la donation-cession de titres démembrés lorsque l’usufruitier a appréhendé et conservé la totalité du prix de cession en dépit d’une clause de remploi sur le prix dans l’acte de donation car le fait que la convention de quasi-usufruit ait été conclue après la cession a permis à l’usufruitier de disposer librement du prix (CE 14-10-2015 n° 374440 ;CAA Lyon 7-11-2013 n° 12LY02321)
- Attention aux clauses privant le droit disposer de la nue-propriétaire : il convient d’être vigilent à toutes clauses dans l’acte de donation limitant le droit de disposer des nus-propriétaires (i.e. donation avec charges et conditions, tels qu’une clause d’inaliénabilité totale des actions par les nus-propriétés, une obligation stricte de cession à la seule demande du donataire, ou une obligation d’apporter les biens). L’Administration serait fondée à analyser certaines clauses pour nier la réalité de l’intention libérale
L’apparition ultérieure du quasi-usufruit et de toutes charges et conditions de la donation doivent avoir été consenties dans l’acte de donation même, et non postérieurement à la donation.
- Attention à l’abus de droit
Position de la jurisprudence :
– Le Conseil d’État a jugé que la conclusion d’une convention de quasi-usufruit postérieurement à la cession des titres et au mépris de la clause de remploi figurant dans l’acte de donation initial avait permis au donateur d’appréhender le prix de cession, ce qui démontrait l’abus de droit (CE, 14 oct. 2015, n° 374440 : RFP 2016, n° 3, comm. 5).
– Cependant, il résulte d’une décision du Conseil d’État en date du 10 février 2017 que la donation de titres suivie de leur cession et de la constitution au profit du donateur d’un quasi-usufruit sur le prix de vente n’est pas abusive, même lorsque le donateur est dispensé de fournir caution pour garantir la créance de restitution en résultant (CE, 9e et 10e ch., 10 févr. 2017, n° 387960, Fillet). Sur la base de cette jurisprudence, dès lors que le quasi-usufruit est bien prévu dans l’acte de donation initial et que les parties à la donation en respectent toutes les clauses, l’opération ne devrait pas être remise en cause.
Le Comité consultatif pour la répression des abus de droit avait également entériné le report de l’usufruit sur le produit de cession, estimant que l’opération n’induisait pas une réappropriation par la donatrice des sommes données, alors même que l’usufruitière avait été expressément dispensée de fournir caution au paiement de la créance de restitution (CCRAD, aff. n° 2008- 06 : Instr. 18 déc. 2008)
En cas de constitution d’un quasi-usufruit permettant aux parents usufruitiers de bénéficier de l’intégralité du prix de cession le risque d’abus de droit est plus important qu’en cas de donation de la pleine propriété car l’administration fiscale pourrait considérer que les parents donateurs se réapproprient le prix de cession :
- Abus de droit (L64 LPF) ou « mini abus de droit » (L64 A LPF) par fraude à la loi : l’abus de droit pour fraude à la loi a été écarté par le Conseil d’État à plusieurs reprises (Implicitement par CE, 30 décembre 2011, n° 330940, Motte-Sauvaige) au motif que la donation avant cession ne pouvait pas avoir un objectif exclusivement fiscal. Outre le risque de revirement de jurisprudence, l’administration fiscale pourrait être tentée de considérer que la donation avant cession prévoyant un quasi-usufruit sur le prix de cession présente un objectif principalement fiscal justifiant l’application du nouveau dispositif de « mini abus de droit fiscal » qui exige seulement des motifs principalement fiscaux.
- Abus de droit par fictivité (L 64 LPF) : La jurisprudence du Conseil d’Etat de 2017 (CE, 9e et 10e ch., 10 févr. 2017, n° 387960, Fillet) considère que la conclusion d’une convention de quasi-usufruit « ab initio » dans l’acte de donation semble permettre d’écarter la fictivité de la donation car le dessaisissement effectif résulte de la naissance d’une créance de restitution au bénéfice des nus-propriétaires, alors même que cette créance n’est pas assortie d’une sûreté. Cependant, cette position pourrait évoluer en considérant qu’en prévoyant un quasi-usufruit reporté sur le prix de cession au jour de la donation le donateur a souhaité se réapproprier le prix de cession privant la donation de toute intention libérale. Il est recommandé en cas de quasi-usufruit sur le prix de cession de prévoir une garantie à la dette de restitution afin de limiter le risque que l’administration fiscale considère qu’il y a une réappropriation par les parents donateurs. La garantie permettant de sécuriser le droit à remboursement à terme des quasi-nus-propriétaires pourrait consister par exemple en une caution de l’époux, un nantissement de titres sociaux, voire une garantie prédéterminée à première demande des créanciers.
Il est impératif de rédiger une convention de quasi-usufruit vous protégeant des risques de remise en cause du schéma et assortir la créance de restitution de garanties suffisantes.
Vous souhaitez en savoir plus sur des opérations fiscalement intéressantes faisant intervenir le quasi-usufruit comme par exemple, la remise du prix d’une cession de parts sociales entre les mains de l’usufruitier ? Vous souhaitez rédiger une convention de quasi-usufruit ?
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Article rédigé en partenariat avec l’association des étudiants du diplôme de la faculté de droit de Montpellier DJCE MONTPELLIER et la section Magistère Law Support (Les avocats du pôle fiscal et succession d’AGN AVOCATS remercie l’étudiant M. Rayan BOMOURA)
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