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Les risques psychosociaux dans le cadre des restructurations d’entreprises

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Les restructurations peuvent altérer les conditions de travail des salariés. Ainsi, il est essentiel d’inclure une stratégie de prévention des risques psychosociaux dans chaque projet de restructuration ou de réorganisation, afin d’assurer sa légitimité et sa réalisation effective.

Les périodes de restructurations d’entreprises, telles que la mise en œuvre d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), sont particulièrement stressantes pour les salariés. Les restructurations d’entreprises, qu’elles soient motivées par des difficultés économiques, des changements technologiques ou des réorganisations organisationnelles, représentent des périodes de grande instabilité pour les salariés. Les principales formes de restructurations incluent la mise en place de PSE, les licenciements collectifs, les ruptures conventionnelles et les déménagements d’entreprises. Chacune de ces situations peut engendrer des RPS variés tels que le stress lié à l’incertitude de l’emploi, l’épuisement professionnel dû à une charge de travail accrue, et l’anxiété résultant de la réorganisation des équipes et des tâches.

Ces processus peuvent entraîner des changements majeurs dans l’organisation du travail, des suppressions d’emplois. Les réorganisations profondes affectent non seulement la sécurité de l’emploi mais aussi la santé mentale des travailleurs. Parmi les conséquences les plus préoccupantes, les risques psychosociaux (RPS) incluent le stress, l’épuisement professionnel, l’anxiété, voire la dépression. Ces facteurs sont pris en compte de manière accrue par l’administration. C’est pourquoi les employeurs doivent, en amont des projets de restructurations, analyser leur impact sur les RPS, en étant conscient des obligations renforcées qui sont les leurs, des exigences légales en matière de santé et de sécurité, afin de mettre en œuvre toutes les préventives recommandées pour atténuer ces risques.

Rappel des obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité

Conformément à l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, ce qui inclut la prévention des risques professionnels, y compris les risques psychosociaux.

En pratique, voici les principaux pendants de cette obligation :

  • Identification et évaluation des risques : L’employeur doit réaliser une évaluation des risques pour la santé mentale des salariés, en tenant compte des facteurs liés aux restructurations, tels que la charge de travail accrue, l’incertitude professionnelle et les tensions relationnelles.
  • Information : Les salariés doivent être informés des risques auxquels ils sont exposés et formés aux bonnes pratiques pour les prévenir.
  • Formation : Cela inclut des formations sur la gestion du stress, la communication en période de crise et la résolution de conflits.
  • Mise en place de mesures de prévention adaptées : L’employeur doit mettre en œuvre des dispositifs concrets pour prévenir les RPS, tels que des espaces d’écoute et de soutien psychologique, des aménagements organisationnels pour réduire la charge de travail et des politiques de gestion du changement efficaces.

Risques psychosociaux et restructurations : un risque à anticiper pour l’employeur

Les restructurations d’entreprises, sont des événements critiques qui exacerbent les risques psychosociaux. Aussi, L’employeur doit maintenant inclure un volet robuste de prévention des risques psychosociaux, que la procédure de restructuration ou de réorganisation envisagée soit soumise à autorisation administrative ou non, afin de garantir sa mise en œuvre efficace.

Le plan de prévention des risques ne se limite plus aux seuls Plans de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), mais s’étend à toute forme de restructuration (licenciements collectifs de moindre envergure, ruptures conventionnelles collectives, accords de performance collective, transferts, etc.) ou de réorganisation (déménagement, changement technologique, organisationnel, reclassement, etc.) dès lors que le projet entraîne des modifications significatives affectant les conditions de santé, de sécurité ou de travail.

En effet, bien que de moindre ampleur qu’un grand plan social, les petits licenciements collectifs peuvent également engendrer des RPS significatifs, notamment par l’augmentation de la charge de travail et la détérioration du climat social.

De même, les ruptures conventionnelles collectives sont des dispositifs qui peuvent créer un climat d’incertitude et d’instabilité professionnelle, conduisant à des niveaux élevés de stress chez les salariés concernés. Également, l’introduction de nouvelles technologies ou de nouvelles méthodes de travail peut provoquer des tensions et des résistances au sein de l’entreprise, nécessitant une gestion proactive des changements pour prévenir les RPS.

Aussi, quel que soit le type de restructuration envisagée, une évaluation d’impact préalable est essentielle pour identifier ces risques et mettre en place des mesures de prévention adaptées, telles que des dispositifs de soutien psychologique, des formations sur la gestion du changement et des ajustements organisationnels.

Le risque accru de RPS dans les plans sociaux

Exigence accrue du juge sur l’obligation de prise en compte des RPS par l’employeur

Les Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), sont au cœur des obligations de prévention développées par la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat. Pour rappel, la mise en œuvre d’un PSE est obligatoire pour :

  • L’entreprise d’au moins 50 salariés qui projette le licenciement d’au moins 10 salariés sur 30 jours[1];
  • Les entreprises ayant procédé pendant 3 mois consécutifs à des licenciements pour motif économique de plus de 10 personnes au total sans atteindre 10 salariés dans une même période de 30 jours et qui envisagent un ou des licenciements économiques au cours des 3 mois suivants ;
  • Les entreprises qui ont procédé à plus de 18 licenciements pour motif économique au total au cours d’une année civile sans avoir à présenter un PSE, et qui envisagent un ou des licenciements économiques au cours des 3 premiers mois de l’année civile suivante.

Le PSE doit nécessairement être validé (lorsqu’il prend la forme d’accord majoritaire avec les syndicats) ou homologué par la DRIEETS (si le PSE résulte d’un document unilatéral de l’employeur).

Récemment, le Conseil d’Etat a rendu plusieurs décisions[2] importantes en la matière, aux termes desquelles il exige désormais que les risques psychosociaux soient expressément pris en compte lors de l’élaboration d’un PSE. Désormais, dans le cadre de sa mission de contrôle, l’administration doit vérifier d’une part, que les IRP ont bien été informées et consultées sur les risques psychosociaux susceptibles d’être causés par la réorganisation de l’entreprise à l’origine du PSE et d’autre part que, le PSE contient des mesures propres à protéger les salariés contre ceux-ci lors de la mise en œuvre de la réorganisation.

Ces décisions mettent en lumière l’importance cruciale de la consultation des IRP et de l’intégration de mesures spécifiques de prévention des RPS dans les PSE, pour garantir la conformité aux exigences légales et la protection effective des salariés.

Impact sur le contrôle de l’administration matière de RPS et PSE

L’administration joue un rôle central dans la validation et l’homologation des PSE, en s’assurant que les mesures prévues respectent les obligations légales et sont adaptées pour prévenir les risques psychosociaux.

En pratique, les services administratifs, dans le cadre de la collaboration mise en place avec l’employeur pour la mise en place et le contrôle du PSE, visent des obligations très concrètes, qui sont notamment les suivantes :

  • Mesures spécifiques à destination des salariés vulnérables sur le marché de l’emploi

Les articles L..1233-5 et L. 1233-61 identifient les catégories de salariés plus vulnérables en termes de reclassement sur le marché de l’emploi. L’administration encourage donc à prévoir une pondération spécifique pour les salariés dépourvus de diplôme de l’enseignement supérieur et d’identifier les différentes situations de fragilité au travers un diagnostic socio-professionnel (DSP) qui doit lui être communiqué, afin d’identifier des caractéristiques ou des facteurs de vulnérabilité présents effectivement parmi la population des salariés impactés (par exemple : séniorité, handicap, parent isolé ou couple salarié de la même entreprise et tous deux impactés, salarié avec charges spécifiques/enfants ou parentèle, salariés sans diplômes d’études supérieures, salariés en contrat d’insertion ou assimilé).

Bien souvent dans le cadre d’un PSE, l’administration pourra également demander à l’employeur d’élaborer un diagnostic socio-professionnel comportant une pyramide des âges de la Société, une pyramide d’ancienneté et un éventuel recensement du nombre de salariés en situation de RQTH.

  • Analyse des risques engendrés par le projet de restructuration et de licenciement économique collectif et suffisance des mesures prises en conséquence

A titre d’exemple les mesures suivantes peuvent être prévues et ont déjà été considérées comme pertinentes par l’administration :

  • La mise en place d’un dispositif d’écoute et d’accompagnement ;
  • Prévention de la médecine du travail et association de celle-ci à divers dispositifs ; Un plan global de prévention des risques psychosociaux ;
  • Une collaboration renforcée avec le CSE afin de prévenir les risques ;
  • La mise en place d’un questionnaire auprès des employés en amont du projet ;
  • Des actions de formations aux risques psychosociaux à destination de l’encadrement ; Des ateliers de sensibilisation aux risques psychosociaux à destinés de l’encadrement et des salariés
  • Un lien renforcé avec tous les acteurs de la santé au travail ;
  • Prévoir un dispositif spécifique d’alerte et de veille et des réunions ad hoc ;
  • Prévoir un référent spécifique en RPS, CSST, accompagnement de restructuration ; Prévoir une force d’intervention en cas de surplus de charge de travail constaté ;
  • Mitiger ou suspendre certains objectifs durant la mise en œuvre de la restructuration ;
  • Une communication régulière durant la procédure d’information-consultation et durant la mise en œuvre du projet ;
  • Mise à jour du DUERP ;
  • La mise en place d’entretiens individuels ;
  • Des rendez-vous individuels avec un psychologue du travail ou clinicien ;
  • Une permanence téléphonique ;
  • Un suivi RH renforcé.

De manière générale, il ressort de notre expérience de l’élaboration des PSE nécessité absolue d’établir une évaluation des risques psycho-sociaux pouvant être générés, notamment en lien avec une analyse des charges de travail pertinente, ainsi que celle d’expliciter le caractère concret des mesures envisagées : responsables et acteurs de la mise en œuvre de chacune des mesures (qui ?), calendrier prévisionnel de mise en œuvre (quand ?) et modalités (comment ?).

  • Autres acteurs de la prévention pour les salariés sur lesquels l’employeur doit s’appuyer

Il n’en demeure pas moins que les employeurs ont toujours à leur disposition d’autres outils pour lutter efficacement contre ces risques, lesquels peuvent consister à faire appel notamment à un Médecin du travail, à la Commission d’hygiène, de sécurité et des conditions du travail (CSSCT) ou encore, aux délégués syndicaux ou du personnel.

Conclusion : Bonnes pratiques dans la gestion d’une restructuration

En conclusion, la gestion des restructurations d’entreprises, notamment à travers la mise en œuvre d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), requiert une approche rigoureuse pour prévenir les risques psychosociaux et protéger la santé mentale des salariés.

Les bonnes pratiques suivantes, soutenues par la jurisprudence du Conseil d’État, illustrent les exigences légales et les meilleures stratégies à adopter :

  • Consultation précoce et transparente : Conformément à la décision du Conseil d’État du 19 décembre 2023 (CE 4e-1e ch. n° 458434), les employeurs doivent informer et consulter les représentants du personnel dès le début du processus de restructuration sur les risques psychosociaux potentiels.

Cette consultation précoce permet de prendre en compte les préoccupations des salariés et de mettre en place des mesures adaptées.

  • Évaluation d’impact et planification préventive : Le Conseil d’État, dans son jugement du même jour (CE 4e-1e ch. n° 464864), a souligné l’importance d’une évaluation détaillée des risques psychosociaux associés à la restructuration.

Il est crucial d’intégrer cette évaluation dans la phase de planification du PSE, en identifiant les facteurs de stress potentiels et en proposant des actions préventives spécifiques.

  • Formation continue et soutien psychologique : La jurisprudence du Conseil d’État reconnaît l’importance des dispositifs de soutien psychologique et de formation pour aider les salariés à faire face aux défis des restructurations, avec des mesures concrètes à intégrer dans le PSE (CE 4e-1e ch. n° 464864).
  • Conformité légale renforcée : En intégrant spécifiquement des mesures de prévention des risques psychosociaux dans le PSE, les entreprises assurent leur conformité aux exigences légales. La DRIEETS doit approuver ces mesures pour garantir qu’elles respectent les normes de protection des salariés, comme l’exige la jurisprudence récente du Conseil d’État (CE 4e-1e ch. n° 458434).

En mettant en œuvre ces approches, les entreprises peuvent respecter leurs obligations légales tout en favorisant un environnement de travail plus sain et sécurisé, renforçant ainsi la capacité des salariés à faire face aux défis des restructurations économiques. La jurisprudence du Conseil d’État fournit un cadre précis pour orienter les employeurs dans l’application efficace de ces bonnes pratiques.


[1] Art. L.1233-61 du Code du travail

[2] Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 21/03/2023, 450012 ; Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 21/03/2023, 460660. CE 4e-1e ch. 19-12-2023 n° 464864, CSE de la Sté Blizzard Entertainment