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La suspension à titre conservatoire des personnels de l’enseignement supérieur : quelles conséquences ?

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Avant le potentiel engagement d’une procédure disciplinaire, l’Administration peut suspendre son agent à titre conservatoire. 

Il s’agit souvent de mettre en œuvre une enquête administrative, de protéger les possibles victimes, maintenir le calme de l’établissement, ou encore attendre la fin d’une enquête pénale ou des poursuites disciplinaires. Dans ce dernier cas, la suspension peut durer jusqu’à la fin des investigations. 

Il faut préciser que de manière constante le Conseil d’Etat ne considère pas cette mesure comme une sanction disciplinaire en tant que telle (CE, 4e et 1re ch. réunies, 18 juill. 2018, n° 418844). 

L’espèce s’intéresse à un président d’université mis en cause pour du harcèlement à l’encontre d’autres agents. On peut pourtant étendre les précisions du Conseil d’Etat aux trois pans de la fonction publique. 

L’article L. 951-4 du code de l’éducation dispose :  

  • Le ministre chargé de l’enseignement supérieur peut prononcer la suspension d’un membre du personnel de l’enseignement supérieur pour un temps qui n’excède pas un an, sans privation de traitement. 

Dans son arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, il est précisé (CE, 4-1  chr, 28 mai 2024, n° 488994, Lebon) : 

  • 5. La mesure de suspension d’un membre du personnel de l’enseignement supérieur, prise sur le fondement de ces dispositions, revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l’intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l’intéressé au sein de l’établissement universitaire où il exerce ses fonctions présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. En l’absence de poursuites pénales, son maintien en vigueur ou sa prorogation sont subordonnés à l’engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable après son édiction.  
  • 6. Une telle mesure a pour effet de suspendre l’exercice par l’intéressé de ses fonctions au sein de l’établissement, en particulier ses activités d’enseignement et de recherche. Elle emporte nécessairement la suspension du droit, attaché à l’exercice des fonctions, d’accéder aux locaux de l’établissement. En revanche, elle est en principe sans effet sur l’exercice d’un mandat électif attaché à la qualité de membre du personnel de l’enseignement supérieur.  
  • 7. Le président de l’université est au nombre des membres du personnel de l’enseignement supérieur susceptibles de faire l’objet d’une mesure de suspension prise par le ministre chargé de l’enseignement supérieur sur le fondement de l’article L. 951-4 du code de l’éducation, sans préjudice de l’exercice par le ministre des pouvoirs qu’il tient à titre exceptionnel de l’article L. 719-8 du même code. Une mesure de suspension prise à l’égard du président de l’université a nécessairement pour effet de suspendre l’exercice par l’intéressé de l’ensemble de ses fonctions dans l’établissement et fait, en particulier, obstacle à ce qu’il continue de présider le conseil d’administration de l’établissement et d’y siéger comme de préparer et d’exécuter ses délibérations. 

La haute juridiction décrit avec précision le cadre de la suspension à titre conservatoire et ses conséquences pour l’agent. 

En premier lieu, avant de prendre cette décision, la hiérarchie doit s’intéresser à la réalité des faits. Il faut qu’il existe des éléments menant à penser une possible problématique disciplinaire ou pénale dans le comportement de l’agent. Une enquête administrative peut être en cours ou sur le point de se tenir.  

Dans le cas où il appert qu’une infraction pénale est probable, l’Administration doit en informer le Procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale qui dispose : 

  • Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l’affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée. 
  • Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. 

En second lieu, le Conseil explicite les conséquences de cette suspension. 

L’agent ne peut plus exercer aucune de ses fonctions, ce qui est logique. C’est le principe même d’une telle mesure. 

En tant que telle, elle n’est pas protectrice. Il s’y ajoute nécessairement l’interdiction d’accès aux locaux, pour éviter la pression sur les témoins et victimes ou éviter les troubles à l’ordre public possibles (CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 26 oct. 2005, n° 279189, Lebon). 

Les fonctions électives ne sont pas touchées par cette mesure puisqu’elles ne relèvent pas directement du travail de l’agent. 

En dernier lieu, dans cette espèce, de manière assez étonnante, le président de fait présidait… Il dirigeait encore le conseil d’administration, y siégeait et exécutait ses décisions. 

On est évidemment face à un détournement de l’objet de la mesure de suspension conservatoire par le président de l’université qui en avait, au bas mot, une vision très restrictive… 

Dans l’application de son interprétation à ce président d’université, la haute juridiction donne une solution dans la stricte application de sa jurisprudence qu’il est intéressant de lire dans son intégralité : 

  • 10. Il ressort des pièces des dossiers qu’à la suite d’un signalement, effectué le 2 mars 2023, par sept personnes occupant ou ayant occupé des fonctions au sein de l’université de D, auprès de la ministre chargée de l’enseignement supérieur, faisant état de dysfonctionnements graves au sein de l’établissement se traduisant par des faits de harcèlement et de pressions exercées sur certains membres du personnel de l’université, en particulier à l’encontre du personnel féminin, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche a conduit une enquête administrative à l’issue de laquelle elle a remis à la ministre, en juillet 2023, un rapport et saisi le procureur de la République en application de l’article 40 du code de procédure pénale. Le rapport d’inspection relève notamment la mise en place d’un « système harcelant institutionnalisé », « suscité et permis par le président », dont « le déploiement et la permanence reposent aussi sur l’appui de certains membres de l’équipe présidentielle et de cadres administratifs », ainsi que des faits de harcèlement moral commis par le président au préjudice d’au moins trois agents de l’université et le fait qu’au minimum dix autres personnes connaissent ou ont connu dans l’établissement, au cours de la période récente, « des situations de mal-être ou d’atteinte à leur dignité par des actes de management inapproprié ». 
  • 11. Il ressort par ailleurs de pièces des dossiers que, contrairement à ce que soutient le requérant, une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre, la ministre chargée de l’enseignement supérieur ayant saisi à cet effet le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, par un courrier du 12 octobre 2023. 
  • 12. Eu égard à la nature de l’acte de suspension prévu par les dispositions de l’article L. 951-4 du code de l’éducation et à la nécessité d’apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère grave et vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l’autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l’administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu’ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l’acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d’un recours en excès de pouvoir contre cet acte. L’administration est en revanche tenue d’abroger la décision en cause si de tels éléments font apparaître que la condition tenant à la vraisemblance des faits à l’origine de la mesure n’est plus satisfaite. 
  • 13. En l’espèce, en l’état des informations dont elle disposait à la date des décisions attaquées, après la remise du rapport de l’inspection générale, la ministre chargée de l’enseignement supérieur a pu légalement considérer, sans commettre d’erreur d’appréciation ni méconnaître les dispositions de l’article L. 951-4 du code de l’éducation, que les faits imputés au requérant présentaient, à la date des arrêtés attaqués, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite par l’intéressé de ses activités au sein de l’établissement emportait des inconvénients suffisamment sérieux pour le service pour qu’il soit fait application de ces dispositions. 
  • 14. Enfin, ainsi qu’il a été dit au point 7, les mesures de suspension successives prononcées à l’encontre du requérant par les arrêtés attaqués ont pour effet de faire obstacle à ce que, jusqu’au 9 octobre 2024, il exerce ses fonctions de président de l’université, en particulier à ce qu’il préside le conseil d’administration de l’université et exerce son mandat de membre du conseil d’administration. Par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que les arrêtés litigieux, en ce qu’ils emportent de tels effets, seraient entachés d’incompétence ou auraient été pris en méconnaissance de l’article L. 951-4 du code de l’éducation. 

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