
Les affaires de diffamation se multiplient : un acteur attaquant le New York Times pour avoir relayé des accusations à son encontre, un rappeur poursuivant une maison de disque pour des paroles jugées diffamantes, un chroniqueur mis en cause pour ses propos sur la police, ou encore un maire intentant une action après un photomontage le rendant responsable d’un infanticide…
Ces procès témoignent d’une méconnaissance des conditions de fond et de forme de la diffamation, entraînant parfois des décisions surprenantes.
Qu’est-ce que la diffamation exactement ? Existe-t-il des moyens de se défendre si vous êtes accusé ? La protection offerte varie-t-elle selon la personne poursuivie ? Décryptons ensemble ce sujet.
Qu’est-ce que la diffamation ?
Bien que la diffamation soit encadrée par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, elle est traitée comme une infraction pénale et repose sur trois éléments :
- L’élément matériel : il faut une allégation ou imputation d’un fait précis, identifiable et portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne.
- L’élément intentionnel : une présomption de mauvaise foi s’applique par défaut à l’auteur des propos.
- L’élément légal : la loi définit précisément les critères et les délais d’action.
Il est important de noter que la diffamation se distingue de la simple atteinte à la réputation : pour être caractérisée, l’accusation doit être perçue comme un reproche unanime fondé sur des faits concrets.
Délai de prescription
Vous souhaitez agir en justice ? Attention, la prescription est très courte : vous disposez de trois mois à compter de la publication des propos. Cependant, en cas de republication sur Internet, chaque nouvelle diffusion peut relancer le délai.
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Peut-on justifier des propos considérés comme diffamants ?
Si vous êtes poursuivi pour diffamation, plusieurs moyens de défense s’offrent à vous :
- L’exception de vérité : prouver que les faits allégués sont véridiques. Toutefois, cette preuve est encadrée et n’est pas toujours recevable, notamment lorsque les faits concernent la vie privée ou sont anciens.
- L’exception de bonne foi : démontrer que vous avez agi sans intention de nuire et dans un but légitime. Cette exception repose sur 4 critères cumulatifs :
- L’absence d’animosité personnelle : Vous ne devez pas avoir de ressentiment particulier contre la personne visée. La jurisprudence considère que toute attaque motivée par des tensions personnelles ou des circonstances non connues du public sera écartée de cette exception.
- La prudence et la mesure dans l’expression : Vos propos doivent rester objectifs et non outranciers. Le ton agressif, les affirmations péremptoires, les extrapolations trompeuses ou les généralisations abusives peuvent vous priver de cette protection.
Bon à savoir : La satire et l’humour bénéficient d’une tolérance sous réserve qu’ils ne constituent pas une attaque personnelle. De plus, un responsable politique n’est pas soumis aux mêmes exigences qu’un journaliste en matière de prudence. - La légitimité du but poursuivi : La bonne foi doit être appréciée en tenant compte du contexte et de l’intérêt général des propos. Un débat d’intérêt public ou une question politique justifie davantage une critique vive qu’une attaque sur un sujet personnel.
- Une base factuelle suffisante : Vous devez prouver que vos accusations reposent sur des faits avérés et des sources fiables. Un particulier n’est pas tenu d’une enquête approfondie, mais un journaliste devra démontrer qu’il a mené des recherches sérieuses et vérifiées.
Diffamation et propos politiques : une protection renforcée ?
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a été saisie à plusieurs reprises pour statuer sur des affaires de diffamation impliquant des responsables politiques. Ses décisions sont claires : dans un contexte politique, les critiques bénéficient d’une protection renforcée.
Par exemple, la critique d’un maire par un élu municipal peut s’inscrire dans le cadre du débat démocratique et ne pas être considérée comme une diffamation, même si elle est virulente. La CEDH a ainsi jugé qu’une telle critique relève de la liberté d’expression inhérente aux échanges politiques et ne justifie pas une condamnation pour diffamation (CEDH, 7 septembre 2017, n°41519/12, Lacroix c/ France).
La Cour a également souligné que les responsables politiques doivent accepter un niveau de critique plus élevé que les particuliers, car leur fonction les expose au contrôle de l’opinion publique. Cela implique une plus grande tolérance aux propos polémiques, à condition qu’ils ne portent pas atteinte à la vie privée.
En d’autres termes, même si les critiques sont parfois sévères, elles ne constituent pas forcément une diffamation. Lorsqu’un débat porte sur une question d’intérêt général, il est admis que les propos puissent être plus vifs, notamment entre élus.
Pour assurer cette défense au mieux au regard des spécificités de la diffamation, il est fortement conseillé de se faire assister d’un avocat.
Nos avocats, experts en Responsabilité et Assurance, se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nos entretiens peuvent se tenir en présentiel ou en visio-conférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur https://www.agn-avocats.fr.
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