Lorsqu’un fournisseur développe un canal de vente directe aux consommateurs, par exemple par le biais d’un site de e-commerce, en plus de son réseau de distribution, on parle de « double distribution ». Cette double distribution met le fournisseur en position de concurrence avec ses distributeurs, créant ainsi des zones de risque au regard du droit de la concurrence notamment quant aux informations échangées avec les distributeurs.
Le Règlement d’exemption prévoit que les accords verticaux, c’est à-dire, en pratique, tous les accords de distribution (sélective, exclusive, franchise, etc.), sont exemptés et échappent à l’interdiction des ententes, sous réserve de respecter le seuil de part de marché et de ne pas contenir de restrictions caractérisées ou exclues. Le nouveau Règlement d’exemption et les Lignes Directrices précisent les conditions d’application de cette exemption à la « double distribution.
La « double distribution » et les échanges d’information entre un fournisseur et ses distributeurs
De quoi parle-t-on ?
En principe, les accords verticaux entre concurrents ne peuvent bénéficier de l’exemption prévue par le Règlement d’exemption pour les accords verticaux (article 2, paragraphe 4).
L’article 2, paragraphe 4, du nouveau Règlement d’exemption contient cependant deux exceptions applicables en cas d’accords « non-réciproques » entre les parties concurrentes.
Pour mémoire, un accord est « non-réciproque » lorsque l’acheteur des biens et services contractuels ne fournit pas également des biens ou services concurrents du fournisseur. Dans le cas de ces accords, l’incidence négative potentielle de l’accord sur la concurrence en aval est considérée comme moins importante que l’incidence positive potentielle en amont ou en aval.
S’agissant d’exceptions, elles devront être interprétées strictement.
Qui est visé par ces exceptions ?
Ces exceptions correspondent en pratique aux deux scénarios de double distribution suivants, dans lesquels un fournisseur de biens ou de services est également actif en aval :
- lorsque le fournisseur est à la fois producteur, importateur ou grossiste de biens et distributeur de biens et que l’acheteur est uniquement un distributeur (Article 2, paragraphe 4, a) ;
- lorsque le fournisseur est à la fois prestataire de services à plusieurs niveaux d’activité commerciale et l’acheteur est actif uniquement au stade de la vente au détail (Article 2, paragraphe 4, b) ).
En pratique, il s’agit donc des hypothèses dans lesquelles un fournisseur commercialise ses produits ou services à la fois via des distributeurs et directement auprès des consommateurs, notamment via un site de e-commerce.
La Commission a un temps envisagé de limiter ces exceptions aux hypothèses dans lesquelles la part de marché de l’acheteur et du fournisseur est inférieure à 10%, mais ce nouveau seuil n’a finalement pas été retenu compte-tenu des critiques quant à son caractère trop limitatif.
Quel est l’impact pratique de ces exceptions ?
L’enjeu de l’application de ces exceptions est de bénéficier d’une zone de sécurité pour les échanges d’informations entre le fournisseur et les distributeurs, alors que les échanges d’informations commercialement sensibles entre concurrents sont susceptibles de constituer des ententes anticoncurrentielles prohibées.
En vertu de l’article 2, paragraphe 5, du nouveau Règlement d’exemption, l’exemption s’applique à tous les aspects de l’accord vertical non réciproque, y compris les échanges d’informations entre le fournisseur et le distributeur si ces échanges sont directement liés à la mise en œuvre de l’accord ou s’ils sont nécessaires pour améliorer la production ou la distribution des biens ou services contractuels.
Les échanges réunissant ces conditions peuvent porter par exemple sur :
- Les informations techniques sur les biens ou services contractuels (ex: certification) ou leur fourniture ( ex: inventaire, volumes de ventes et de retours) ;
- Les informations agrégées sur les achats par les consommateurs, leurs préférences ou le retour client ;
- Les informations sur les prix de vente par le fournisseur à l’acheteur ou les prix de vente recommandés ou maximum du fournisseur ;
- Les informations sur les campagnes promotionnelles ou liées à la performance par d’autres distributeurs (informations agrégées).
En revanche, les échanges sur les informations suivantes risquent de ne pas être couverts par l’exemption, et donc potentiellement interdits en tant qu’entente horizontale :
- Les informations sur les prix de vente futurs du fournisseur ou du distributeur ;
- Les données spécifiques à un client sauf si les informations sont nécessaires pour l’adaptation des produits aux spécifications du client, pour la mise en œuvre d’un programme de fidélité, pour la garantie ou les services après-vente ou encore pour le respect de l’allocation de clientèle dans le cadre d’accords de distribution sélective ou exclusive ;
- Les informations sur les biens vendus par un distributeur sous sa propre marque de distributeur (MDD) échangées avec un fabricant de biens concurrents, sauf s’il fabrique les produits sous MDD en question.
En conclusion, si un fournisseur développe un canal de distribution directe aux consommateurs, et notamment un site e-commerce, parallèlement à son réseau de distribution, ce fournisseur doit être prudent et adopter des mesures tendant à s’assurer que les échanges d’informations avec ses distributeurs sont bien justifiés. Cette justification doit être liée à la mise en œuvre du contrat ou à l’amélioration de la production ou de la distribution. Le fournisseur doit également éviter les échanges d’informations prohibés, par exemple en mettant en place des mesures de type « murailles de chine » entre ses activités de distribution directe et de distribution via des distributeurs.
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