Dès le 28 février dernier, le ministre de l’économie Bruno Le Maire annonçait que le Coronavirus était un cas de force majeure et que cette situation supposait de prendre des mesures de soutien pour les entreprises qui pouvaient être touchées par cette crise sanitaire. Ces mesures sont attendues.
La qualification de pandémie mondiale par l’OMS, et les mesures de confinement annoncées hier par le Président de la République, les difficultés de livraisons ou les annulations de prestations auxquels nous assistons conduisent à s’interroger sur les conséquences de cette situation dans le cadre des relations commerciales entre deux sociétés impactées par la crise sanitaire.
La notion de force majeure dans le contrat va se retrouver au centre des interrogations.
Qu’est-ce que la force majeure ? Comment réagir face à un cas de force majeure ? Quelle est la conduite à tenir ? Quelles sont les conséquences sur la poursuite des contrats ?
Autant de questions qu’il convient de se poser pour limiter au mieux les retentissements financiers d’une telle crise pour les entreprises.
Qu’est-ce qu’un cas de force majeure ?
En droit des contrats, la force majeure est un événement imprévisible et insurmontable empêchant et exonérant le débiteur d’exécuter son obligation. En application de l’article 1218 du Code civil, trois conditions cumulatives sont nécessaires pour qu’un événement soit qualifié de force majeure : il doit être extérieur et échapper au contrôle du partenaire, être imprévisible et être irrésistible.
Le coronavirus peut-il être considéré comme un cas de force majeure ?
Sans aucun doute, l’épidémie de coronavirus est indépendante de la volonté de chacun et échappe au contrôle des contractants. Au regard des mesures de restriction prises par le gouvernement français, et plus largement par de nombreux gouvernements européens et mondiaux, il est certain que de nombreuses entreprises ne seront plus en mesure d’assurer leur production et de livrer leur partenaire. Pour les contrats signés antérieurement à ce que cette épidémie se déclare, cette situation ne pouvait bien évidemment pas être prévisible. Les contrats en cours pourront donc a priori se voir appliquer la force majeure. Il est important de préciser que nous nous trouvons toutefois dans un cas inédit dans lequel la jurisprudence aura un rôle important à jouer.
Si la question de la force majeure dans le cadre d’épidémies s’est déjà posée par le passé avec le virus Ebola ou la grippe H1N1, il convient de préciser que les juridictions françaises ont écarté la qualification de force majeure dans ces situations.
Toutefois, l’ampleur de l’épidémie n’était pas aussi importante. Par ailleurs, l’étude de ces jurisprudences montrent que des conditions factuelles justifiaient que l’on ne soit pas dans une situation de force majeure. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a refusé de considérer que l’épidémie d’Ebola pouvait être invoquée comme un cas de force majeure, mais uniquement en raison du fait que le débiteur ne rapportait pas la preuve d’un lien de causalité entre la maladie et l’impossibilité pour lui d’exécuter ses obligations, et tout en soulignant dans le même temps que cette maladie constituait un cas de force majeure (Cour d’appel de Paris, 17 mars 2016, n° 15/04263 ; Cour d’appel de Paris, 29 mars 2016, n°15/12113).
De même, la Cour d’appel de Besançon avait refusé de considérer l’épidémie de grippe H1N1 comme un cas de force majeure au motif que celle-ci avait été « largement annoncée et prévue, avant même la mise en œuvre de la réglementation sanitaire derrière laquelle la [société concernée] tente de se retrancher » (CA Besançon, 8 Janvier 2014 – n° 12/02291)
Quels sont les effets de la force majeure ?
Le code civil prévoit deux situations selon que l’empêchement du débiteur confronté à un cas de force majeure est définitif ou temporaire.
- Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit.
- Si l’empêchement est temporaire, l’exécution est seulement suspendue, à moins que le retard qui en découle, du fait de sa gravité, justifie la résolution du contrat. Autrement dit, la disparition de Evènement de force majeure pourra permettre aux parties de reprendre l’exécution normale du contrat.
En l’occurrence, face au coronavirus et compte tenu des mesures prises, nous pouvons être dans l’une ou l’autre des situations, ce qui suppose de bien relire ses contrats.
Quelle est la durée de la force majeure admissible pendant laquelle les obligations sont suspendues ? A partir de quel moment considère-t-on que le contrat peut être résilié ?
De jurisprudence constante, « la force majeure n’exonère le débiteur de ses obligations que pendant le temps où elle l’empêche de donner ou de faire ce à quoi il s’est obligé » (Cass., 3e Civ., 22 février 2006, n°05-12032 : en l’espèce, temps de réaction du bailleur trop long après la tempête de 1999 pour réparer les dégats qui avaient été causés). L’exécution de son obligation est ainsi «seulement suspendue jusqu’au moment où l’impossibilité vient à cesser» (Cass. civ. 1re, 24 févr. 1981, Bull. civ. I, no 65).
Le cocontractant devra alors de nouveau exécuter son obligation dès lors que l’évènement constitutif de force majeure aura pris fin. On en tire pour conséquence que le créancier est dispensé d’exécuter sa part du contrat pendant ce laps de temps mais qu’il ne peut obtenir réparation du préjudice subi à cette occasion.
Au regard de la situation actuelle, il n’est pour le moment pas possible de dire quelle sera la durée du coronavirus et jusqu’à quel moment, il sera considéré que l’une des parties est dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations. Tout dépendra des mesures qui seront prises par le gouvernement.
Ce qui est certain, c’est que dans l’hypothèse où une entreprise se trouve confrontée à une telle situation, il faut s’appuyer sur les principes de base qui régissent les relations contractuelles.
Comment réagir lorsqu’une entreprise se trouve dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations contractuelles du fait du coronavirus ?
1-Analyser son contrat
La notion de force majeure est réglementée par la loi mais elle peut être aménagée dans le contrat et il est fréquent que les contrats contiennent des clauses de Force Majeure.
Le premier réflexe à avoir est donc de regarder le contenu du contrat pour déterminer la conduite à tenir face à cette situation. La clause peut prévoir notamment la durée admissible pendant laquelle les obligations peuvent être suspendues en cas de force majeure, ou encore les modalités de signification d’une telle situation à l’autre partie.
2-Avoir une attitude de prévention
Il est essentiel que la partie qui se trouve dans l’impossibilité d’exécuter le contrat du fait de l’épidémie de coronavirus en fasse part à son contractant dès le moment où il apparait qu’elle ne sera pas en mesure de remplir ses obligations. Même les situations difficiles doivent être précisées à l’autre partie au contrat sans être cachées.
3-Adapter le contrat est-il possible ?
L’adaptation du contrat au réel est possible en principe quand les clauses de force majeure prévoient cette possibilité. Il est souvent prévu que les parties fassent leurs meilleurs efforts pendant cette période pour prévenir les difficultés et donc s’adapter. Mais cette adaptation n’est par définition que temporaire et elle peut conduire à la possibilité de résilier le contrat si l’exécution est vraiment empêchée.
4-Regarder ses polices d’assurance
Il existe des polices d’assurance qui distinguent les différents types d’indemnisation possibles. Des indemnisations pour fermetures administratives sont possibles par exemple selon les contrats. Il n’est pas exclu que les compagnies d’assurance vont émettre des recommandations dans les jours à venir mais d’ici là, regarder son contrat d’assurance permet aussi d’apporter des éléments de réponse dans des situations difficiles.
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