Le 19 mai dernier, le Groupe Stellantis né de la fusion entre PSA et Fiat, a annoncé la résiliation de l’ensemble de ses contrats de vente et de distribution de services de toutes les marques avec un préavis de 2 ans.
L’objectif poursuivi est clair : réorganiser le réseau de distribution avec un objectif de diminution des coûts qui s’accompagnera d’une réduction du nombre de concessions pour privilégier le développement des ventes sur internet.
Stellantis a d’ores et déjà prévu le calendrier de cette réorganisation progressive qui va s’étaler sur une durée de 2 ans, et qui devrait se dérouler selon 3 phases :
- De juin à mi-juillet 2021 : phase de réflexion et discussion sur les modalités de mise en œuvre de la stratégie de réorganisation et évocation avec le réseau du plan prévu.
- A compter de fin juillet 2021 jusqu’à Juin 2023 : Négociations des nouveaux contrats et des conditions de résiliation des contrats en cours.
- Juin 2023 : signature des nouveaux contrats de distribution.
A n’en pas douter, cette réorganisation du réseau de distribution destinée à favoriser les ventes directes aura un impact sur tous les distributeurs du réseau : modification des obligations mises à la charge des distributeurs, augmentation de la rémunération du réseau, nécessité de nouveaux investissements, reconversion voire disparition des investissements existants, ou encore disparition de certaines concessions. Autant de possibilités suivant la situation de chaque distributeur.
Stellantis a annoncé que les premières annonces concrètes sur les conséquences de cette réorganisation devraient intervenir dès la fin du mois de juillet 2021. Nous devrions alors savoir quelles concessions restent, quelles concessions ferment et quelles sont les nouvelles relations commerciales envisagées. Les négociations devraient ensuite débuter dès la rentrée de septembre.
Il convient alors dès à présent d’anticiper et de se poser les bonnes questions pour pouvoir gérer utilement cette transition et se préparer au mieux aux changements annoncés.
Stellantis peut-il résilier unilatéralement l’ensemble des contrats de son réseau de distribution ?
Stellantis a annoncé vouloir résilier l’ensemble des contrats de son réseau de distribution à échéance 2023. Cela implique que l’ensemble des contrats en cours prendront fin, (i) soit parce qu’un nouveau contrat sera conclu avec le distributeur (ii) soit parce qu’il sera purement et simplement mis un terme à la relation contractuelle en cours avec le distributeur.
Stellantis peut-il alors rompre librement et de manière unilatérale les contrats ?
En matière contractuelle, il convient de garder à l’esprit que le principe de liberté prime : liberté de contracter, liberté de choisir son cocontractant, liberté du contenu du contrat, et liberté de rompre le contrat. Stellantis ne peut donc être contraint de demeurer dans une relation commerciale si celle-ci ne lui convient pas, ni de poursuivre un contrat en cours. Il n’est donc pas possible d’aller à l’encontre de cette décision. Pour autant, suivant le type de contrat conclu avec les distributeurs et la durée convenue, un certain nombre de règles doivent être respectées.
Au moins 3 situations doivent être distinguées :
- Un contrat à durée indéterminée a été conclu entre Stellantis et le distributeur :
Par principe, un contrat à durée indéterminée peut être rompu à tout moment par chacune des parties. Toutefois, cette rupture ne peut intervenir sans le respect d’un certain nombre de règles.
Le contrat peut tout d’abord contenir un certain nombre de dispositions qui aménagent la rupture et imposent le respect d’un certain formalisme. Par ailleurs, et surtout, la rupture ne peut intervenir sans le respect du préavis contractuellement prévu ou, à défaut d’un délai raisonnable pour permettre au partenaire victime de la rupture de réorganiser son activité. Ce respect d’un délai de préavis est impératif, et doit être apprécié en fonction de la durée de la relation contractuelle mais également des autres circonstances de la rupture. Dans le cas où un délai de préavis a été prévu contractuellement par les parties, il convient donc de l’analyser avec précaution au regard de la réalité de la relation contractuelle car la volonté des parties ne saurait pallier un préavis insuffisant au regard de la durée du contrat.
A défaut du respect de ces éléments, la rupture est considérée comme fautive et Stellantis pourrait être condamnée au paiement de dommages et intérêts. Le cas échéant, la rupture pourra également être considérée comme abusive sur le fondement de l’article L 442-1 du Code de commerce.
- Un contrat à durée déterminée a été conclu entre Stellantis et le distributeur
Il faut distinguer 2 situations :
- Cas 1 : l’échéance du contrat intervient avant juin 2023 : la relation contractuelle prendra fin naturellement avant fin juin 2023. Peu importe que le contrat contienne une clause de reconduction tacite ou que le renouvellement de la relation contractuelle avec Peugeot soit quasi devenu automatique au fil des années. Nul ne peut exiger le renouvellement d’un contrat à l’échéance. Pour autant, le concessionnaire doit être informé suffisamment à l’avance du terme de la relation commerciale pour s’y préparer.
- Cas 2 : l’échéance du contrat intervient après juin 2023 : à la différence d’un contrat à durée indéterminée, un contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance sous peine que la rupture intervienne aux torts exclusifs de la partie qui en est à l’origine. Seule exception à ce principe : le cas où la partie à l’origine de la rupture considère que son cocontractant a manqué à ses obligations contractuelles, et a commis une faute. Dans le cas où des difficultés sont identifiées dans la relation contractuelle, il convient d’être vigilant car Stellantis pourrait en profiter pour justifier la résiliation anticipée du contrat.
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- Le contrat conclu avec Stellantis est un contrat d’agent commercial
Le statut d’agent commercial est soumis à des règles impératives d’ordre public auxquelles les parties ne peuvent déroger par l’insertion de dispositions contraires.
Ainsi, à supposer que le statut d’agent commercial s’applique parce que l’activité de vente de véhicules constitue une activité principale, et n’est pas accessoire à l’activité de réparateur, un certain nombre de dispositions concernent la rupture du contrat d’agent commercial devront être respectées.
Dans le cas d’un contrat à durée déterminée, l’article L 134-11 du code de commerce encadre la durée de préavis : 1 mois pour la première année du contrat, 2 mois pour la deuxième année commencée, 3 mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. Pour les contrats à durée indéterminée, les règles classiques s’appliquent et un délai de préavis raisonnable doit être respecté.
Par ailleurs, en cas de rupture du contrat, l’agent commercial a droit à une indemnité de fin de contrat dont le montant est usuellement fixé à 2 années de commissionnement sur la base des commissions payées au cours des 2 ou 3 dernières années d’exécution du contrat. Pour bénéficier de cette indemnité, l’agent commercial doit en faire la demande expressément dans le délai d’un an à compter de la cessation des relations contractuelles. Il est donc particulièrement important de demeurer vigilant à ces éléments en cas de contrat d’agent commercial.
En résumé, quelle que soit la durée du contrat, ou le type de contrat conclu, Stellantis ne peut être contraint de demeurer dans une relation contractuelle. Pour autant, il ne peut résilier les contrats en toute impunité. Il convient alors de veiller à ce que la rupture ne soit pas brutale pour le partenaire concerné, notamment eu égard au délai de préavis annoncé.
Stellantis peut-il imposer un nouveau contrat avec des modifications substantiellles ?
En dehors du cas de la fin des relations contractuelles pures et simples, il ne faut pas négliger la situation des concessionnaires qui demeureront dans le réseau, et se verront proposer un nouveau contrat de distribution.
De prime abord, cette situation peut s’analyser comme un soulagement pour ceux qui craignaient de disparaitre du réseau. Pour autant, cela ne justifie pas de se plier aux nouvelles obligations imposées par Stellantis.
En effet, le fait d’imposer un nouveau contrat à son partenaire commercial avec des modifications substantielles peut être considéré comme abusif suivant les circonstances et la nature de la relation contractuelle. Ceci est particulièrement vrai si le concessionnaire a réalisé un certain nombre d’investissements qui ne pourront être amortis d’ici à l’échéance 2023.
Et en pratique, qu’est-ce que cela implique pour l’entreprise du concessionnaire ou de l’agent ?
Il est encore trop tôt pour connaitre précisément ce que veut faire Stellantis avec les entreprises sortantes du réseau. Voici néanmoins un bref aperçu de ce qu’il pourrait se passer :
- Modification de la carte du réseau : des concessions vont fermer, d’autres devront être optimisées, certaines pourraient être rachetées ;
- Fusion de plusieurs sociétés de concessionnaires qui pourraient regrouper leur activité pour être plus fortes sur le marché en groupant leurs moyens de production ;
- Cession de fonds de commerce à Peugeot ou Fiat qui implique la cession de l’ensemble des éléments nécessaires à l’activité (moyens de productions, enseigne, clientèle…) sans le transfert des dettes.
- Fermeture des concessions avec négociation des conditions de reprise des stocks par Stellantis.
Là encore, tout sera question de négociation, et la situation personnelle, ainsi que la volonté de chaque distributeur pèsera dans l’issue des négociations. La force de certains membres à se regrouper pour peser dans les négociations sera aussi un atout essentiel.
Les bons réflexes à adopter
En synthèse, après le choc de l’annonce par Stellantis, il convient de prendre du recul pour bien analyser sa situation contractuelle. Il faut garder à l’esprit qu’une bonne négociation se prépare en ayant identifié en amont les points forts et les points faibles de la relation commerciale.
Dans ce cadre, voici quelques bons réflexes à adopter pour ne pas se laisser dépasser par cette résiliation imposée :
- Analyser son contrat et déterminer le terme restant à courir ;
- Identifier les potentielles difficultés qui ont pu naitre dans le cadre de la relation commerciale avec Stellantis ;
- Faire le point sur les obligations financières qui ont pu être imposées par Stellantis dans les mois précédant l’annonce de la rupture, et notamment sur les investissements non encore amortis ;
- Identifier les clauses qui seraient susceptibles de faire obstacle à la poursuite d’une activité similaire dans le domaine automobile.
- Savoir ce que l’on veut et si on souhaite à tout prix demeurer dans le réseau ou si cette annonce pourrait constituer une opportunité pour négocier sa sortie.
En tout état de cause, il convient de ne pas oublier que Stellantis devra composer avec l’adoption d’un nouveau règlement européen d’exemption en 2023 qui prévoira un certain nombre de gardes fous pour la protection des professionnels. Rien n’est donc acquis, ce qui suppose d’envisager avec sang-froid la période de transition actuelle.
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