Vous pensez être victime d’une inégalité de traitement par rapport à l’un de vos collègues et souhaitez dénoncer cette situation mais vous ne savez pas comment vous y prendre, ni quel élément de preuve serait pertinent pour révéler la situation subie.
Vous souhaitez la faire cesser ou solliciter l’indemnisation de votre préjudice.
L’analyse de la jurisprudence en la matière nous éclaire sur ces points.
En amont, il convient de rappeler les grands principes encadrant cette problématique en droit du travail.
L’inégalité de traitement en droit du travail se réfère à une situation où des salariés se trouvant dans des conditions comparables ne bénéficient pas des mêmes avantages ou sont traités différemment sans justification objective et légitime. Ce concept est étroitement lié à celui de discrimination, qui est une forme spécifique d’inégalité de traitement fondée sur des critères illicites.
Selon l’article L. 1133-1 du Code du travail, : « l’article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée« .
Cela signifie que certaines différences de traitement peuvent être justifiées si elles sont basées sur des critères objectifs et nécessaires pour l’exercice de l’emploi.
La jurisprudence a précisé que la discrimination est une forme d’inégalité de traitement fondée sur des critères illicites. Par exemple, la Cour d’appel de Versailles, 6e chambre, 28 juin 2018, n° 16/01701 a énoncé que « la discrimination est une différence de traitement fondée sur un critère illicite » (il faut comprendre par « illicite », interdit par la loi (ex : sexe, âge, état de santé…).
En matière de rémunération (sujet central sur la question des inégalités de traitement), l’article L. 3221-4 du Code du travail dispose que « sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse« .
Cela implique que les salariés effectuant un travail de valeur égale doivent recevoir une rémunération égale.
La jurisprudence confirme que le principe « à travail égal, salaire égal » impose une comparaison entre la situation du salarié invoquant une inégalité et celle de ses collègues ayant une situation comparable, et que la communication de documents nécessaires à l’exercice du droit de la preuve peut être ordonnée par le juge (à titre d’exemple : la communication forcée des bulletins de paie des autres collègues).
Ceci a été confirmé dans une décision récente de la Cour de cassation (Chambre sociale, 8 mars 2023, n° 21-12.492) rappelant que « pour présenter des éléments laissant présumer l’existence de l’inégalité salariale alléguée entre elle et certains de ses collègues masculins, la salariée était bien fondée à obtenir la communication des bulletins de salaires de huit autres salariés occupant des postes de niveau comparable au sien dans des fonctions d’encadrement, commerciales ou de marché, avec occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année civile. Cette communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. »
La jurisprudence a également clarifié les obligations des parties en matière de preuve.
Selon la Cour de cassation, Chambre sociale, 3 décembre 2014, 13-18.966, Inédit, « la charge de la preuve d’une inégalité de traitement salariale ne pèse sur aucune des parties en particulier et le salarié qui invoque une inégalité de rémunération doit seulement soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser cette inégalité« .
Il incombe ensuite à l’employeur de justifier la différence de traitement par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Cet aménagement de la charge de la preuve, tel que prévu par l’article L. 1134-1 du code du travail, est destiné à alléger ce fardeau de la démonstration au profit du salarié.
Rappel l’article L. 1134-1 du Code du travail prévoit que :
« Lorsqu’un litige survient en raison d’une méconnaissance des dispositions relatives aux discriminations, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Il incombe alors à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
La jurisprudence a précisé les types d’éléments de fait que le salarié peut présenter pour laisser supposer l’existence d’une discrimination liée au sexe.
Par exemple, dans l’affaire Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – chambre 10, 21 février 2018, n° 16/02237, le salarié a présenté un SMS de son manager contenant des propos discriminatoires en lien avec son orientation sexuelle supposée et son état de santé, ainsi que la notification de la rupture de sa période d’essai le lendemain de l’envoi de ce SMS. Ces éléments ont été jugés suffisants pour laisser présumer l’existence d’une discrimination.
Également, dans l’affaire Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2021, 19-26.144, Publié au bulletin, la Cour a jugé que des éléments statistiques peuvent être utilisés pour démontrer une discrimination.
De plus, dans l’affaire Cour de cassation, Chambre sociale, 8 mars 2023, 21-12.492, Publié au bulletin, la Cour a confirmé que des rapports sur l’égalité hommes/femmes et des indices d’égalité peuvent être utilisés comme éléments de preuve. La Cour a précisé que « le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte à la vie privée des salariés concernés soit proportionnée au but poursuivi« .
Enfin, tel que rappelé ci-dessus (Chambre sociale, 8 mars 2023, n° 21-12.492), la communication des bulletins de paie de ses homologues masculins étaient des éléments de fait que la salariée pouvait présenter pour laisser supposer l’existence d’une discrimination.
En conclusion, l’inégalité de traitement en droit du travail se manifeste lorsque des salariés dans des situations comparables ne sont pas traités de manière égale sans justification objective et légitime. La discrimination, en tant que forme spécifique d’inégalité de traitement, est strictement interdite et les employeurs doivent prouver que toute différence de traitement est justifiée par des critères objectifs et nécessaires.
Pour laisser supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, le salarié peut présenter divers éléments de fait tels que des documents médicaux, des correspondances avec l’employeur, des témoignages, des SMS ou emails contenant des propos discriminatoires, des comparaisons de traitement avec d’autres salariés dans des situations similaires, des statistiques, des rapports sur l’égalité, des indices d’égalité, des enquêtes menées par des inspecteurs du travail.
Ces éléments doivent être pris dans leur ensemble pour établir une présomption de discrimination, après quoi il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Nos avocats experts en droit du travail, se tiennent à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et vous conseiller. Nos entretiens peuvent se tenir en présentiel ou en visio-conférence. Vous pouvez prendre rendez-vous directement en ligne sur www.agn-avocats.fr.
[1] Article L1142-11 du Code du travail
[2] Article L23-12-1 du Code de commerce
[3] « Représentation équilibrée F/H dans les postes de direction des grandes entreprises », document questions/réponses, Ministère du Travail
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